1°) Procédure devant la cour nationale de discipline des notaires. Obligation de notification de l’appel aux autres parties. L’absence de notification n’est pas sanctionnée par l’article 51 du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 et ne constitue pas une cause d’irrecevabilité du recours.
2°) Suspension provisoire de l’article 17 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022. Notion. Mesure de sûreté conservatoire. Condition tenant à l’existence d’une enquête ou d’une poursuite disciplinaire ou pénale en cours. Appréciation à la date de la décision. Enquête préliminaire en cours à la date du jugement (condition remplie). Condition tenant à l’exigence de protection d’intérêts publics ou privés. Condition remplie lorsque l’enquête en cours porte sur des faits de harcèlement imputés au notaire caractérisant des risques psychosociaux avérés et compromettant la pérennité de l’office, peu important qu’aucune juridiction pénale ou civile ne se soit encore prononcée sur les faits dénoncés.
(Cour nationale de discipline des notaires, 21 mars 2025, RG n° 24/13)
1°) La procédure devant la cour nationale est régie par les dispositions du décret n° 2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels et par les dispositions du livre I du code de procédure civile dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions du décret.
Selon l’article 51 du décret : « L’appel d’une décision rendue en matière disciplinaire ou en matière de suspension provisoire par la chambre de discipline est formé par tout moyen conférant date certaine au secrétariat de la cour nationale de discipline dans le délai de deux mois à compter du jour de la notification de la décision. Le professionnel et, le cas échéant, le plaignant sont tenus de constituer avocat. L’appel est motivé. L’appelant notifie son appel aux autres parties par tout moyen conférant date certaine. Les autres parties ainsi que, s’il n’est pas partie, le procureur général disposent d’un délai de deux mois à compter de la notification du recours pour former un recours incident. Il est procédé devant la cour nationale de discipline comme devant la chambre de discipline. Toutefois, l’article 44 n’est pas applicable ».
Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Du premier de ces textes, il ressort que l'exigence de notification de l’appel aux autres parties n’est assortie d’aucune sanction.
Du second de ces textes, il résulte que l’absence de notification de l’appel aux autres parties, qui n’affecte que le point de départ du délai imparti à ces dernières pour former un recours incident, ne prive pas la personne de son droit d’agir et n’est pas une cause d’irrecevabilité de l’appel.
2°) Selon l’article 17 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022, « Lorsque l’urgence ou la protection d’intérêts publics ou privés l’exige, le président de la juridiction disciplinaire de première instance ou son suppléant peut, à la demande d’une des autorités compétentes pour exercer l’action disciplinaire, suspendre provisoirement de ses fonctions le professionnel qui fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite disciplinaire ou pénale, après avoir recueilli ses observations au terme d’un débat contradictoire. La suspension ne peut excéder une durée de six mois, renouvelable une fois, ou au-delà de cette limite lorsque l’action publique a été engagée contre le professionnel à raison des faits qui fondent la suspension. Elle peut, à tout moment, être levée par le président de la juridiction disciplinaire si des éléments nouveaux le justifient. Elle cesse de plein droit à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la clôture de l’enquête. Elle cesse également de plein droit lorsque l’action disciplinaire ou l’action pénale s’éteint. Le président ou son suppléant qui s’est prononcé sur la suspension d’un professionnel ne peut siéger au sein de la juridiction disciplinaire statuant sur sa situation. La décision de suspension prise à l’égard d’un notaire ou d’un commissaire de justice peut faire l’objet d’un recours devant la Cour nationale de discipline de la profession concernée (...) ».
Ces dispositions permettent au président de la juridiction de première instance, lorsque toutes les conditions légales prescrites sont réunies, de prononcer, non pas une sanction disciplinaire, mais une mesure de sûreté conservatoire exigée par l’urgence ou la protection d’intérêts publics ou privés.
La condition tenant à l’existence d’une enquête en cours doit être appréciée à la date à laquelle le juge statue. Retient à juste titre que cette condition est remplie, la chambre de discipline qui constate dans sa décision de suspension du professionnel que le procureur de la République a demandé à une autorité de police judiciaire d’investiguer, dans le cadre d’une enquête préliminaire, sur des faits de harcèlement imputés par les salariés de l’étude au notaire à l’encontre duquel la demande de suspension provisoire est demandée
Aussi, se trouve justifiée la décision de la chambre de discipline qui constate en outre qu’est caractérisée l’exigence, aussi bien d’assurer la protection actuelle des salariés de l’étude contre des risques psychosociaux avérés que de garantir la pérennité de cette étude, qui se trouve compromise par une paralysie de son activité, peu important qu’à ce jour aucune juridiction civile ou pénale ne se soit prononcée sur la qualification des faits reprochés par les salariés au notaire concerné par l’enquête et peu important le point de savoir si les salariés ont refusé de retourner dans l’étude dans le respect des conditions légales d’exercice du droit de retrait.